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Le montage de roues

par Sheldon Brown  (gourou du vélo – 1944-2008)
révisé et enrichi par John Allen

Traduction : Michel Gagnon

Plan du document   

Pourquoi monter ses propres roues ?

Si la grande disponibilité de roues de rechange économiques et bien montées a fortement réduit le besoin de monter des roues en atelier, il importe malgré tout de savoir préparer ou réparer des roues sur mesure, notamment celles des vélos de haut de gamme munis de moyeux dispendieux encore en bon état.

De plus, vous pourriez désirer utiliser une combinaison de moyeu et de jante qui ne se vend pas pré-montée, comme par exemple une roue avec un moyeu interne.

Apprendre à monter une roue est une importante étape dans la formation d’un apprenti-technicien de vélo. Un « technicien » qui ne maîtrise pas cette tâche essentielle ne peut être dûment considéré comme un professionnel entièrement qualifié. En outre, il se considérera inférieur à ceux qui maîtrisent cet art.

Monter une roue à partir de zéro est la meilleure façon d’apprendre l’art du redressement des roues, de comprendre comment une roue réagit aux ajustements de rayons. Il est beaucoup plus facile d’apprendre avec des pièces neuves en bon état qu’en essayant de réparer une roue endommagée.

N.D.T.: Les définitions les plus importantes se retrouvent au bas de cette page. Et pour faciliter la lecture d’autres sites en anglais, on présente la traduction anglaise des mots indiqués de cette façon (placez la souris sur ces mots et elle apparaîtra dans une bulle).

Sur le site de Sheldon Brown, on retrouve notamment :

–   un glossaire en anglais (l’équivalent anglais des principaux termes apparaît lorsqu’on place le pointeur au-dessus du mot)

–   un dictionnaire français – anglais

–   un dictionnaire anglais – français

Certains liens pointent également vers les pages de Harris Cyclery où vous trouverez un aperçu des pièces disponibles.

Les liens au glossaire s’ouvrent tous dans la même fenêtre « Glossaire », tandis que les autres liens s’ouvrent cette fenêtre-ci ou dans un nouvel onglet si l’on appuie sur « Contrôle » (Windows) ou « Command » (Macintosh).

Avant de commencer

Un monteur de roues expérimenté peut aisément monter une roue en moins d’une heure. Néanmoins, le débutant doit s’attendre à y consacrer plusieurs heures. Il est préférable de répartir ce temps en plusieurs séances pour éviter de perdre patience et de massacrer une bonne roue en cours de route.

Cet article présente le montage d’une roue arrière, car c’est la plus complexe. Pour monter une roue avant, il suffit d’éviter tout ce qui ne s’y applique pas. Les illustrations sont celles d’une roue à 36 rayons croisés trois fois. Le principe de montage d’une roue de 32 rayons (ou de tout autre multiple de 4 rayons) est le même, comme nous le verrons plus loin. Il suffit de remplacer « 36 » par « 32 », « 18 » par « 16 » et « 9 » par « 8 ». Le même principe s’applique aux roues avec un autre nombre de rayons.

Les outils et l’équipement

Vous aurez besoin d’un petit tournevis à lame plate et d’une clé à rayons. (J’utilise une clé à rayons DT, mais la plupart des gens ne sont pas prêts à investir 75 $ [50 €] pour une telle clé à rayons.) Parmi les outils abordables, ma clé favorite est une clé à rayons en plastique avec embout en métal (appelée « Spokey »). Vous aurez également besoin d’un petit tournevis plat et il est préférable d’avoir aussi un banc d’alignement et une jauge de centrage.

Le banc d’alignement et la jauge de centrage sont de loin les équipements les plus dispendieux. On peut toutefois s’en passer en utilisant des outils improvisés ou le vélo lui-même. Si votre budget est serré, lisez les sections de cet article sur l’ajustement préliminaire et la mise en tension pour connaître la méthode et les termes, puis la section sur les équipements improvisés à  la fin de l’article.

On peut également utiliser un tensiomètre à rayons et un tournevis électrique muni de l’embout approprié. Mon embout préféré est un tournevis Phillips usé duquel j’ai limé deux des quatre pans, afin d’obtenir un tournevis à lame plate et pointue. La pointe reste donc centrée sur l’écrou et ne peut glisser.

La clé à rayons Spokey

Une clé à rayons

tensiomètre

Un tensiomètre

Un banc d’alignement

Un banc d’alignement
(aussi appelé banc de montage)

Une jauge de centrage

Une jauge de centrage

 

Les matériaux

Les moyeux

Tous les moyeux modernes de bonne qualité ont des flasques en aluminium. Les meilleurs sont généralement produits par forgeage. Seuls les moyeux forgés devraient être utilisés pour des roues avant à rayonnage radial. Je conseille généralement d’éviter les moyeux « boutiques » – trop dispendieux – produits par machinage numérique, car leurs flasques sont généralement moins résistants que ceux des roues forgées.

Les meilleurs moyeux ont des flasques épais et les trous des rayons sont fraisés, de sorte qu’ils ont la forme du cornet d’une trompette pour bien soutenir le coude des rayons. Cela n’est toutefois pas essentiel, car l’aluminium étant plus mou que l’acier, les rayons écraseront le flasque et feront leur lit. Si les flasques ne sont pas assez épais pour que la tête des rayons y soit bien appuyée, vous devrez alors insérer des rondelles sous la tête des rayons.

Si vous vous procurez de nouveaux moyeux, les moyeux Shimano offrent généralement le meilleur rapport qualité–prix, tandis que les meilleurs moyeux, abstraction faite du prix, sont les Phil Wood.

Les rayons

L’acier inoxydable est le matériau le plus approprié car il ne rouille pas. Les roues bas de gamme sont montées avec des rayons en acier au carbone plaqué au chrome (« UCP ») ou au zinc (« galvanisé »). Ces rayons ne sont pas aussi résistants et rouillent facilement.

Les marques de rayons les plus fréquemment rencontrées en Amérique du Nord sont DT Swiss et Wheelsmith.

Il existe également des rayons en titane. Selon moi, il s’agit d’un pur gaspillage, car ils doivent être utilisés avec des écrous en laiton et cette combinaison n’est pas significativement plus légère que des rayons en acier inoxydable avec des écrous en aluminium.

On a également essayé des rayons en fibre de carbone, mais ceux-ci se sont avérés cassants et dangereux. En effet, au lieu de plier, ils cassent comme du spaghetti sec non cuit ! De plus, les rayons de fibre de carbone, en alliage d’aluminium et en polycarbonate doivent être plus épais que les rayons en acier. Or la résistance d’air accrue vous ralentira davantage que le gain que vous pourriez faire à cause de la diminution de poids... sauf si vous roulez uniquement en montant !

Combien de rayons ?

Jusqu’au début des années 1980, presque toutes les bicyclettes d’adultes avaient 72 rayons. Règle générale, les vélos britanniques avaient 32 rayons à l’avant et 40 à l’arrière tandis que ceux des autres pays en avaient 36 par roue. Seuls quelques rares vélos de course très spéciaux étaient munis de roues spéciales à 32 rayons par roue.

La passe du siècle : fabriquer des roues avec moins de rayons. Au début des années 1980, un génie du marketing eut l’idée de monter tous les vélos de série en utilisant seulement 32 rayons par roue. Or comme auparavant de telles roues étaient associées aux vélos de performance, les manufacturiers purent donc couper les coins ronds tout en présentant cela comme une « amélioration » ! Même si ces nouvelles roues sont beaucoup plus faibles que des roues comparables à 36 rayons, elles sont tout de même assez résistantes pour la plupart des usagers. Depuis lors, cette tendance s’est poursuivie à l’extrême, de sorte que certains fabricants offrent des roues de 28, de 24 ou même de 16 rayons… et qu’ils appellent cela un surclassement !

Or, en pratique, de telles roues ne sont pas une amélioration. Car comme les rayons sont plus éloignés les uns des autres, il faut utiliser des jantes plus robustes et plus lourdes. Ces roues n’offrent donc aucun gain de poids. De plus, comme le poids du cycliste est réparti sur moins de rayons, ceux-ci doivent avoir une très forte tension. La roue est donc plus fragile et lorsqu’un rayon casse, elle devient immédiatement inutilisable. Et le moyeu peut même se briser, comme en fait part John Allen dans cet article.

La meilleure performance s’obtient généralement en ayant davantage de rayons à l’arrière qu’à l’avant. Par exemple un vélo muni d’une roue de 28 rayons à l’avant et de 36 rayons à l’arrière est plus robuste qu’un dont les deux roues ont 32 rayons. Pourquoi ?

Si un vélo est muni du même nombre de rayons à l’avant et à l’arrière, cela signifie que la roue avant est trop robuste… ou que la roue arrière est trop faible.

La section transversale des rayons

La section des rayons (leur diamètre) est parfois exprimée en calibre de fil. Il existe plusieurs systèmes de mesure traditionnels, d’où une certaine confusion. Soulignons que, lorsque la section augmente, le calibre français (de France) augmente tandis que le calibre étatsunien ou britannique diminue. Ces deux échelles se croisent dans la plage courante des rayons de bicyclette. Ainsi :

La pratique plus récente, qui correspond à la recommandation ISO, consiste à donner tout simplement le diamètre des rayons en millimètres :

N.D.T. : Les calibres états-uniens étaient traditionnellement utilisés au Canada. Pour éviter la confusion, il est préférable de commander les rayons en utilisant la désignation ISO. D’ailleurs elle est couramment utilisée dans les ateliers du Québec.

Détail d’un rayon de vélo

Les rayons ordinaires ont un diamètre constant sur toute leur longueur. En pratique, les points de faiblesse sont aux deux extrémités, soit au coude et dans la zone filetée.

Il existe également cinq types de rayons renforcés :

–  Les rayons renforcés à une extrémité ont un gros diamètre près du moyeu et un petit diamètre jusqu’à l’extrémité filetée. On utilise parfois ces rayons lorsqu’une jante qui accepte uniquement des rayons normaux doit servir à supporter une très lourde charge.

–  Les rayons renforcés aux deux extrémités ont un plus gros diamètre aux deux extrémités. Les plus populaires sont les rayons 2,0/1,8/2,0 mm (calibre étatsunien 14/15) et 1,8/1,6/1,8 (calibre étatsunien 15/16).

Comme ces rayons ont un gros diamètre aux extrémités qui sont fortement sollicitées, ils sont aussi résistants que des rayons à gros diamètre sur toute leur longueur. Et comme ils sont plus minces au centre, ils sont plus élastiques que des rayons à diamètre constant.

Lorsque la roue est soumise à une forte contrainte, les rayons les plus sollicités peuvent ainsi s’allonger suffisamment pour transmettre une partie de cet effort aux rayons adjacents. Cette caractéristique est particulièrement souhaitable pour diminuer l’effort de traction autour des œillets de rayons et diminuer le risque de voir apparaître des fissures autour des trous de rayons.

–  Les rayons renforcés asymétriquement aux deux extrémités, comme les rayons Alpine III de DT, sont ce qu’il y a de mieux lorsqu’on recherche avant tout la fiabilité et la durabilité, comme sur les tandems et les vélos de cyclotourisme. Ils offrent les avantages des deux types de rayons susmentionnés. Par exemple, les rayons Alpine III mesurent 2,34 mm à l’épaule, 1,8 mm au centre et 2,0 mm à l’extrémité filetée.

Les rayons renforcés à une extrémité et ceux renforcés asymétriquement aux deux extrémités permettent de solutionner un des principaux problèmes de conception des roues. Les filets des rayons sont pressés et non taillés, de sorte que le diamètre extérieur au droit des filets est supérieur au diamètre nominal du fil d’acier utilisé. Comme les orifices des flasques doivent permettre le passage de la zone filetée, on peut obtenir l’appariement le plus serré possible des rayons et des orifices en ayant un moyeu dont les orifices sont tout juste assez gros pour permettre le passage de la section filetée de plus gros diamètre d’une part, et l’épaule du rayon d’autre part. Or plus l’appariement est serré, plus on réduit les risques de bris par fatigue.

–  Les rayons elliptiques (aéro) sont une variante des rayons renforcés. La section mince de ces rayons est écrasée en section elliptique, ce qui les rend un peu plus aérodynamiques que les rayons de section circulaire. Les rayons les plus courants sont les Wheelsmith Aero, qui mesurent 1,8 mm de diamètre (calibre 15) aux extrémités, et ont une section elliptique de 2,0 x 1,6 mm au centre (l’équivalent d’une section de 1,7 mm). Les rayons Wheelsmith Aero sont mes préférés pour les vélos de haute performance, pas tellement à cause de leur aérodynamisme, mais parce que la centrale aplatie permet de détecter rapidement les rayons tordus et de les redresser. Il est donc plus facile de monter une roue qui restera droite.

–  Les rayons-lames aéro ont une section plate et non elliptique. Il s’agit des rayons les plus aérodynamiques, mais ils sont trop larges pour entrer dans les orifices d’un moyeu ordinaire. Pour les utiliser dans un moyeu ordinaire, il faut élargir les orifices des flasques avec une lime, une tâche fastidieuse qui affaiblit les flasques et annule généralement la garantie du moyeu.

Au début des années 1990, les lames Hoshi furent très populaires. Elles avaient un S et non une tête conventionnelle, de sorte qu’on pouvait les insérer par la tête plutôt que de les enfiler. Malheureusement, ces rayons cassaient facilement. Je ne vous les recommande donc pas.

Commentaire de John Allen :
Pour monter une roue arrière en parapluie (une roue arrière à cassette), je recommande d’utiliser des rayons plus gros à droite qu’à gauche parce que les rayons de gauche sont soumis à une tension plus faible. Ainsi, ces rayons plus minces seront soumis à une tension plus proche de celle pour laquelle ils sont conçus et ils risqueront moins de se relâcher. Pour en savoir davantage, consultez cet article sur la tension des rayons.

Le glossaire comporte un tableau du poids des rayons : intéressant pour ceux qui ont soif de telles données.

Les écrous de rayons

Les écrous sont généralement en laiton plaqué au nickel. Il s’agit là d’un bon matériau, car le laiton visse bien dans de petits filets et ne corrode pas facilement pour se souder à l’aluminium.

On peut également utiliser des écrous en aluminium pour monter des roues ultra-légères. Ces écrous économisent quelques grammes et sont fiables s’ils sont utilisés convenablement. On doit ne les utiliser que dans des jantes munies d’œillets qui ne sont pas en aluminium, car les écrous en aluminium se « soudent » chimiquement à la jante en aluminium.

Les jantes

Jadis, les jantes étaient en acier. Ces jantes sont obsolètes et ne se retrouvent plus que sur les vélos de très bas de gamme. On leur préfère les jantes d’aluminium car elles sont plus légères, plus robustes, résistantes à la rouille, et elles offrent un meilleur freinage, surtout sur route humide ou enneigée.

Les jantes modernes sont en aluminium extrudé. On les fabrique en chauffant l’aluminium (pour le rendre pâteux) et en l’expulsant sous pression par une ouverture dont la forme correspond à la section transversale de la jante. Cette extrusion est ensuite mise en anneau et les deux bouts sont joints en les soudant ou en insérant un manchon dans la cavité à chaque extrémité de la jante.

De nombreuses jantes de qualité ont des œillets (des férules) pour renforcer les trous de rayons.

Fin de section Écrite par John Allen :
Une jante peut être endommagée par un impact avec un nid de poule ou une grosse roche. Les patins de freins sur jante usent graduellement les parois des jantes en aluminium, surtout lors du freinage dans des conditions humides et sablonneuses. À la longue, les parois peuvent s’amincir suffisamment pour que la pression d’air du pneu les déchire, causant ainsi l’éclatement du pneu. Il est alors possible de transférer les rayons sur une nouvelle jante au lieu de remonter complètement la roue (veuillez consulter cet article de Jobst Brandt sur la réutilisation des rayons).

Au nom de l’aérodynamisme, on tend à fabriquer des jantes dont la section est de plus en plus profonde. Les jantes modérément profondes se montent en appliquant les techniques usuelles. Par contre, on peut monter les jantes très profondes avec un nombre réduit de rayons. Il est possible de descendre jusqu’à 20 rayons pour la roue avant, offrant ainsi un meilleur aérodynamisme.

Mais ces jantes ont aussi des inconvénients importants. Les jantes très profondes sont très rigides. Elles doivent donc être manufacturées avec précision (être très droites), car il est impossible de les aligner vu le petit nombre de rayons. De plus, si le pneu s’écrase sur un rocher ou un quelconque obstacle, une telle jante a beaucoup moins de résilience qu’une jante conventionnelle. Il y a donc un risque de bris accru de la fourche ou du cadre du vélo. La jante risque de se déformer irrémédiablement, ou s’il s’agit d’une jante en fibre de carbone, elle se brisera. Et toutes autres choses étant égales, elle est plus lourde.

Ce sont les rayons et non la jante qui assurent la résistance d’une roue bien montée. Lorsqu’on recherche un grand aérodynamisme, une meilleure approche consiste à utiliser une jante (à section normale) de résistance appropriée et à installer un petit déflecteur sur le vélo. C’est cette solution que retiennent depuis longtemps bon nombre de triathlètes et de participants aux courses de véhicules à propulsion humaine. C’est à cause des règles surannées de l’Union cycliste internationale qui interdit notamment tout équipement servant uniquement à procurer un avantage aérodynamique que l’on a vu apparaître des équipements Frankenstein comme les jantes à section très profonde et les casques aérodynamiques dont la très longue traînée ajoute du poids et augmente le risque de blessure au cou lorsque le coureur atterrit mal en tombant. En général, les coureurs professionnels acceptent ces contraintes parce tout gain, si minime soit-il, peut aider à gagner une course... et aussi parce que c’est l’équipe qui paie la note.

D’autres « innovations » encore moins pratiques que les jantes à section profonde sont les roues avec des rayons à espacement inégal, ainsi que les roues dont les rayons sont attachés à la jante de manière non conventionnelle. Certaines d’entre elles peuvent procurer un avantage en course tandis que d’autres n’ont qu’un effet placebo. Mais toutes ces roues sont très dispendieuses et sont le cauchemar du technicien car il faut des pièces et des outils spéciaux pour les réparer.

Les rondelles

Des rayons montés sur un moyeu avec des rondelles

Section Écrite par John Allen :
Les flasques ne sont pas tous de la même épaisseur ; or, il faut que la tête des rayons soit bien ajustée et qu’il n’y ait pas de jeu. Si l’épaule des rayons n’est pas bien appuyée contre le flasque, la tension appliquée aux rayons cherchera à les plier au droit de l’épaule, ce qui est une cause fréquente de bris.

On peut régler ce problème en enfilant une petite rondelle sur chaque rayon avant de le monter sur le moyeu. On peut utiliser des rondelles de 2 mm (format de boulon métrique) ou #2 (format de boulon étatsunien). Les meilleures rondelles sont celles en laiton car elles sont plus résilientes. Elles sont difficiles à trouver chez le vélociste, mais on peut s’en procurer en ligne (par exemple ici), dans une quincaillerie spécialisée ou dans un atelier qui vend des pièces de miniatures. La façon d’installer les rondelles dépend de la géométrie des rayons et du profil des flasques. Ainsi il peut être nécessaire d’installer deux rondelles sur chaque rayon, ou encore une seule rondelle sur les rayons intérieurs, ou même encore deux rondelles sur les rayons intérieurs et une rondelle sur les rayons extérieurs.

Quelques calculateurs de rayons

La longueur des rayons est déterminée en mesurant de l’intérieur de l’épaule jusqu’à la fin de l’extrémité filetée. Elle s’exprime en millimètres.

La longueur des rayons dépend du type de moyeu et de jante ainsi que du type de laçage. Lorsque vous achetez des rayons, le vendeur devrait pouvoir déterminer la ou les longueurs requises. La plupart des ateliers utilisent aujourd’hui un programme appelé Spokemaster qui est inclus dans une base de données appelée Bike-alog on Disk.

Il existe plusieurs calculateurs de rayons disponibles par internet si vous voulez calculer vous-mêmes leur longueur. En voici quelques-uns :

–  le chiffrier Excel de Damon Rinard : comporte une base de données des jantes et des moyeux ;

–  le calculateur de Danny Epstein : il faut saisir les dimensions du moyeu et de la jante ;

–  le calculateur de Roger Musson (sur le site de Wheelpro): comporte une base de données de jantes et de moyeux ;

–  le calculateur Javascript de Jocelyn Ouellet (en français) sur le site de DocVélo : il faut saisir les dimensions du moyeu et de la jante ;

–  le calculateur graphique Java de Pete Gray (en anglais), basé sur les formules de Jobst Brandt (auteur de The Bicycle Wheel) sur le site de DocVélo ;

–  Le livre Sutherland’s Handbook for Bicycle Mechanics (6e édition) comporte des tableaux et des graphiques pour déterminer les longueurs de rayons.

Vous pouvez aussi mesurer les rayons d’une roue lacée avec un moyeu et une jante semblables et selon le même patron. Les mesures seront assez proches de la longueur nécessaire. Les calculateurs de rayons donnent des valeurs au dixième de millimètre ; or, les rayons sont généralement vendus au millimètre près et certaines marques sont vendues uniquement en longueurs multiples de 2 mm. En général, il est préférable d’arrondir vers le haut la valeur calculée.

La préparation des composants

Il faut d’abord lubrifier les filets des rayons et les trous et les œillets de la jante avec de la graisse légère ou de l’huile afin de permettre aux écrous de tourner librement et de visser très fermement les rayons. Cela s’avère moins important de nos jours, étant donné la bonne qualité des rayons, des écrous et des jantes modernes. Néanmoins, il s’agit là d’une pratique recommandée pour permettre de tendre suffisamment les rayons pour que la roue ne voile pas.

Dans le cas d’une roue arrière à dérailleur, on recommande de lubrifier seulement les rayons et les œillets de droite, car les rayons de gauche sont peu tendus. Il est donc facile de serrer convenablement les écrous de ces rayons à sec et ceux-ci risquent moins de se desserrer d’eux-mêmes. En fait, avec les jantes dont les trous sont enfoncés, on suggère même d’appliquer un produit grippant comme le Spoke Prep de Wheelsmith sur les filets des rayons arrière gauche afin d’éviter le desserrement intempestif (sur les autres jantes, ce n’est pas nécessaire car la pression d’air de la chambre à air maintient les écrous en place).

On peut lubrifier rapidement les filets des rayons en en prenant une poignée, en la tapotant sur le banc de travail pour aligner les rayons, puis en les trempant dans un motton de graisse déposé dans une assiette de plastique. Et on peut lubrifier les trous dans la jante en appliquant de la graisse avec un rayon.

Si vous transférez les rayons sur une nouvelle jante, vous pouvez lubrifier les filets sans enlever les rayons du moyeu en suivant les instructions de cet article de Jobst Brandt sur la réutilisation des rayons. Suivez ensuite le mode d’emploi de cette page en sautant la section sur le laçage.

Attention

–   Si vous récupérez les composantes d’une roue, enlevez la roue libre ou la cassette ainsi que le frein à tambour ou à disque du moyeu avant d’enlever les rayons, de les couper ou de les transférer sur une autre roue, car il sera impossible de le faire sur un moyeu seul. Cela vous permettra de bien inspecter les composantes, de remplacer les rayons endommagés (même en cas de transfert).

–   Même lors du transfert de rayons sur une nouvelle jante, assurez-vous d’avoir quelques rayons de rechange au cas où certains d’entre eux (ou certains écrous) seraient endommagés.

–   Des pinces bloquantes peuvent être utiles pour défaire des écrous arrondis.
N.D.T. On peut souvent faire des miracles avec les écrous arrondis ou figés en réduisant drastiquement la tension de tous les rayons.

Le laçage

la roue complétée

Toutes les illustrations de cet article montrent une roue telle qu’on la voit de droite (côté cassette ou roue libre).

Voici le code de couleur utilisé pour distinguer les rayons :

–   les rayons de queue de droite ;

–   les rayons de queue de gauche ;

–   les rayons de tête de droite ;

–   les rayons de tête de gauche.

Pour lacer la roue, nous vous recommandons de vous asseoir, et de placer la jante sur vos genoux en l’appuyant contre la taille. Les monteurs professionnels placent tous les rayons en même temps dans le moyeu puis insèrent l’extrémité filetée dans la jante. Cette technique, qui permet de travailler plus rapidement, est source d’erreur pour le monteur occasionnel.

Nous conseillons plutôt d’insérer et de monter un « groupe » de rayons à la fois. La moitié des rayons partent du flasque de droite tandis que l’autre moitié part de celui de gauche. Et de chaque côté du moyeu, la moitié sont des rayons de queue tandis que l’autre moitié sont des rayons de tête.

Pour faciliter l’identification des rayons, nous avons identifié chacun de ces groupes par une couleur différente sur les illustrations et dans le texte, tel qu’indiqué ci-contre.

Vos roues n’ont pas 36 rayons ?

Les instructions qui suivent sont écrites pour une roue de 36 rayons croisés trois fois, mais elles s’adaptent facilement pour des roues traditionnelles qui ont un autre multiple de 4 rayons. Par exemple, pour monter une roue de 32 rayons :

–   lire « 32 » aux endroits où il est écrit « 36 » ;

–   lire « 16 » aux endroits où il est écrit « 18 » ;

–   lire « 8 » aux endroits où il est écrit « 9 » ;

–   lire « 7 » aux endroits où il est écrit « 8 » ;

Si le nombre de croisements n’est pas de trois, la technique demeure la même. Seul le croisement le plus éloigné du moyeu est entrelacé.

 

Devrait-on placer les rayons de queue à l’intérieur ou à l’extérieur du flasque ?

En théorie, les roues arrière à cassette devraient être lacées en plaçant les rayons de queue à l’intérieur du flasque (la tête à l’extérieur). Voici pourquoi :

1. Les rayons plient légèrement au point de croisement le plus éloigné du moyeu. Lorsqu’on fournit un grand effort, surtout avec un petit développement, les rayons de queue se raidissent sous l’effort tandis que les rayons de tête courbent davantage. Lorsqu’on fournit un effort avec une roue lacée avec les rayons de queue à l’extérieur, le point de croisement est tiré vers l’extérieur et peut même parfois frotter contre le dérailleur.

2. Si la chaîne est déportée à l’intérieur parce que le dérailleur est mal ajusté ou plié, le dérailleur et la chaîne risquent de bloquer plus sérieusement entre les rayons et la cassette si ceux-ci sont orientés de façon à ce que la chaîne se coince vers l’intérieur sous l’effort.

Note. Par contre, pour un vélo à pignon fixe ou avec freinage à rétropédalage, il est préférable de lacer les rayons de queue à l’extérieur, car c’est au freinage que les efforts sont les plus grands et que la chaîne est la plus susceptible de se coincer.

3. Lorsque la chaîne est déportée à l’intérieur, elle risque d’endommager et d’affaiblir les rayons sur lesquels elle frotte. Il est préférable de protéger les rayons de queue (les plus sollicités) contre ce type de dommage en les plaçant à l’intérieur.

Cela ne change pas grand chose si, du côté gauche, vous lacez les rayons de queue à l’intérieur ou à l’extérieur du flasque. La roue est toutefois plus facile à lacer si les rayons de queue des deux côtés sont tous à l’intérieur.

 

Le premier groupe : les rayons de queue de droite
(définitions à la fin du document)

On s’attardera d’abord au positionnement du rayon maître, vu son importance. On traitera ensuite du laçage des autres rayons.

Un rayon de queue important : le rayon maître (définitions à la fin du document)

Le rayon maître

L’installation du rayon maître. Comme il s’agit d’un rayon de queue, on l’installe du côté intérieur de la jante.

Selon le décalage des trous de rayons, il faut bien positionner le rayon maître pour que celui-ci et les trois autres rayons qui entourent la valve en dégagent l’accès.

Le rayon maître est le premier qu’on installe. Il doit être bien positionné en tenant compte de la position du trou de valve ainsi que de l’orientation des orifices des rayons. Le rayon maître est un rayon de queue côté cassette. Comme il s’agit d’un rayon de queue, il devrait être à l’intérieur du flasque (voir l’encadré ci-haut). On l’enfile donc à partir de l’extérieur du flasque, de sorte que sa tête se retrouve à l’extérieur.

Note. Il est plus facile de lacer les rayons qui sont à l’intérieur des flasques en premier, car il serait très difficile de les placer lorsque après avoir monté les rayons extérieurs. Comme on recommande de mettre les rayons de queue à l’intérieur, ce sont ceux-là qu’on doit lacer en premier.

La coutume veut que l’on oriente la jante pour que l’étiquette soit lisible du côté droit du vélo. De même, si le corps du moyeu porte une identification visible, on la place pour qu’elle puisse être lue en regardant par le trou de valve. Il s’agit de traditions purement esthétiques qui n’affectent en rien le rendement de la roue, mais qui permettent de reconnaître un bon artisan.

Jante percée à droite ou à gauche ?

Les jantes sont percées à droite ou à gauche. On parle ici de la position du trou de valve par rapport à ceux des rayons. Les trous des rayons ne sont pas au centre de la jante mais sont décalés en alternance de chaque côté de la ligne de centre. Les orifices de droite servent aux rayons qui vont au flasque de droite, tandis que ceux de gauche servent à ceux qui vont au flasque de gauche. Pour les fins de cet article, on dira qu’une jante est percée à droite si le trou de rayon immédiatement devant le trou de valve est orienté vers la droite (comme celle illustrée dans cet article).

–  Si la jante est percée à droite, on place le rayon maître dans le trou situé immédiatement à l’avant du trou de valve (c’est-à-dire à sa droite lorsqu’on tient la roue comme sur l’illustration).

–  Si la jante est percée à gauche, on place le rayon maître dans le 2e trou situé à l’avant du trou de valve. En plaçant ainsi le rayon maître, les quatre rayons qui entourent le trou de valve seront orientés de façon à s’éloigner de la valve et à en assurer le meilleur accès possible.

Vissez ensuite un écrou pour tenir le rayon maître en place. Quelques tours d’écrou suffisent pour l’instant.

 

La roue, avec 9 rayons

Les autres rayons de queue de droite

Lorsqu’on regarde la roue du côté droit (côté cassette), le rayon maître fait tourner le moyeu dans le sens anti-horaire.

Placez ensuite les 8 autres rayons de queue de droite. On place un rayon à tous les deux trous dans le flasque et à tous les quatre trous dans la jante. Vissez un écrou sur chacun des rayons.

La roue comporte maintenant 9 rayons de queue (comme ci-contre). Vérifiez alors la roue pour vous assurer que les rayons sont bien placés et que l’espacement est régulier. Il doit y avoir :

–  une tête de rayon, un trou, une tête de rayon, un trou... sur le flasque de droite ;

–  un écrou (dans un trou de droite), trois trous de rayons vides, un écrou, trois trous de rayons vides... sur la jante.

Corrigez au besoin.

 

Le deuxième groupe : les rayons de queue de gauche

La roue, avec le 10e rayon

Tournez la roue du côté gauche (pour que la cassette soit éloignée de vous). En examinant le moyeu, vous constaterez que les orifices du flasque de gauche sont alignés entre ceux du flasque de droite. Vous pouvez aussi insérer un rayon dans le flasque de gauche ; vous constaterez qu’il bute sur le flasque de droite.

En tenant toujours la roue du côté gauche, placez-la pour que le trou de valve soit en haut. Le rayon maître est alors situé à gauche du trou de valve.

–  Si le rayon maître est immédiatement à gauche du trou de valve, insérez un rayon dans le flasque de gauche tout juste à gauche de la tête du rayon maître.
Placez-le ensuite pour que l’extrémité filetée se trouve dans le trou de la jante situé immédiatement à gauche de celui du rayon maître.

–  Si le rayon maître est séparé du trou de valve par un trou vide (jante percée à gauche), insérez un rayon dans le flasque de gauche tout juste à droite de la tête du rayon maître.
Placez-le ensuite pour que l’extrémité filetée se trouve dans le trou de la jante situé entre le trou de valve et celui du rayon maître.

Vissez ensuite un écrou pour tenir ce rayon en place.

S’il est bien placé, ce rayon ne croise pas le rayon maître, mais il est plutôt à gauche ou à droite de celui-ci. Et comme il s’agit d’un rayon de queue, il se trouve à l’intérieur du flasque tandis que sa tête est à l’extérieur.

 

La roue, avec 18 rayons

Placez ensuite les 8 autres rayons de queue de gauche. Insérez un rayon à tous les deux trous dans le flasque et à tous les quatre trous dans la jante. Vissez un écrou sur chacun des rayons.

La roue comporte maintenant 18 rayons, tous de queue. Vérifiez alors la roue pour vous assurer que les rayons sont bien placés et que l’espacement est régulier (comme ci-contre). Il doit y avoir :

–  une tête de rayon, un trou, une tête de rayon, un trou... sur le flasque de droite (ces rayons avaient été placés à l’étape précédente) ;

–  une tête de rayon, un trou, une tête de rayon, un trou... sur le flasque de gauche ;

–  deux écrous (un écrou dans un trou de droite et un écrou dans un trou de gauche), deux trous de rayons vides, deux écrous, deux trous de rayons vides... sur la jante.

Corrigez au besoin.

 

Les rayons de tête de droite (définitions à la fin du document)

La roue, avec 19 rayons

L’installation du premier rayon de tête de droite.

Tournez de nouveau la roue pour que le côté droit (côté cassette) soit vers vous.

Insérez maintenant un rayon dans un des trous vides. Mais cette fois-ci, insérez-le à partir de l’intérieur du flasque. Tout en tenant fermement la jante, tournez le moyeu le plus loin possible en direction horaire, afin de tendre les rayons de queue préalablement installés.

Lacez ce rayon de tête de façon à ce qu’il croise 3 rayons de queue de droite. Lors des deux premiers croisements, ce rayon de tête doit passer à l’extérieur des rayons de queue ; par contre, au troisième croisement, il faut le lacer pour qu’il passe à l’intérieur du rayon de queue. Il faut plier un peu ce rayon pour le lacer correctement.

Après avoir lacé ce rayon, il est techniquement possible d’insérer l’extrémité filetée dans deux trous de rayons. Insérez ce rayon dans le trou qui est du bon côté de la jante (le droit). Ce rayon ne doit pas se trouver à côté d’un rayon de queue de droite.

Vissez ensuite un écrou pour tenir ce rayon en place.

Lacez de la même façon les huit autres rayons de tête de droite et vissez un écrou sur chacun d’eux.
Vérifiez la roue et corrigez au besoin.

Remarques

–   Si le nombre de croisements n’est pas de trois, la technique demeure la même. Seul le croisement le plus éloigné du moyeu est entrelacé.

–   Si les rayons semblent trop courts pour visser un écrou, assurez-vous que les écrous des rayons de queue sont bien assis au fond des trous de rayons.

 

Les rayons de tête de gauche

La roue, avec tous ses rayons

La roue munie de tous ses rayons. Remarquez que les rayons sont placés de façon à dégager le trou de valve.
Il ne reste plus qu’à tendre les rayons et à redresser la roue.

Tournez de nouveau la roue pour que le côté gauche soit vers vous.

Insérez maintenant un rayon dans un des trous vides, à partir de l’intérieur du flasque.

Lacez le rayon de façon à ce qu’il croise 3 rayons de queue de gauche. Lors des deux premiers croisements, ce rayon de tête doit passer à l’extérieur des rayons de queue ; par contre, au troisième croisement, il faut le lacer pour qu’il passe à l’intérieur du rayon de queue. Il faut plier un peu ce rayon pour le lacer correctement.

Insérez le rayon dans le trou approprié de la jante. Ce rayon ne doit pas se trouver à côté d’un rayon de queue de gauche.

Vissez ensuite un écrou pour tenir ce rayon en place.

Placez les huit autres rayons de tête de gauche et vissez un écrou sur chacun d’eux.

Vérifiez le laçage, notamment en suivant les trous de rayons sur la jante pour vous assurer que les rayons alternent entre la gauche et la droite. La roue doit ressembler à celle de la figure ci-contre. Corrigez au besoin.

 

L’ajustement préliminaire des rayons

Une fois la roue lacée, il faut visser tous les écrous de façon à peu près égale. On recommande d’utiliser un tournevis, voire un tournevis électrique et de visser les écrous jusqu’à ce que les filets des rayons disparaissent presque complètement dans leur écrou respectif. On peut voir quelques filets si les rayons sont un peu courts... mais l’idée consiste à visser les 36 rayons le plus possible au même niveau, sans les tendre.

Certains rayons peuvent être un peu plus tendus que d’autres ; néanmoins, si quelques-uns sont beaucoup plus tendus ou beaucoup plus lâches que les autres, il y a sans doute une erreur de laçage et nous vous recommandons de le vérifier. Certaines jantes sont plus épaisses à l’endroit où elles sont assemblées (généralement à l’opposé du trou de valve) et il peut être nécessaire de desserrer d’un ou deux tours les deux rayons avoisinants.

Si vous avez suivi toutes ces étapes, la roue est lacée convenablement, mais les rayons sont si lâches qu’ils forment une courbe près du moyeu. Les rayons de queue, entre autres, sont arqués vers l’extérieur. Avant de tendre la roue, appuyez sur chacun de ces rayons près de la tête afin de les aplatir sur les flasques et les redresser. Sinon, les rayons resteront légèrement courbés, même après la mise en tension. Cette courbe s’effacera au cours des quelque 500 premiers kilomètres parcourus ; la roue perdra alors sa tension et se voilera prématurément.

L’alignement et la mise en tension de la roue

Placez maintenant la roue dans un banc d’alignement.

(Vous pouvez aussi réaliser ces opérations en utilisant des équipements improvisés tel qu’expliqué à la fin de cette page.)

Avec un peu de chance, la roue est déjà relativement droite, mais ne soyez pas surpris si elle ne l’est pas. Si les rayons sont encore lâches à un point tel que vous pouvez facilement bouger la jante, vissez chacun des écrous d’un tour supplémentaire. On recommande de le faire en partant du trou de valve pour être certain de visser tous les rayons.

Assurez-vous de visser les écrous dans le bon sens !  Le sens de vissage est évident lorsqu’on les visse avec le tournevis puisqu’on se place alors face à la jante, mais lorsqu’on les visse avec la clé à rayons, il ne faut pas oublier qu’on voit les écrous à l’envers... et qu’il faut donc penser à l’envers. Bref, rappelez-vous qu’on visse en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, tel que vu lorsqu’on est face à la jante !

Continuez de visser les écrous, un tour à la fois, jusqu’à ce que les rayons commencent à se tendre et que la roue gagne en rigidité. Vous pouvez alors graduellement lui donner sa forme. Quatre actions sont nécessaires :

–  le dévoilage ;

–  la correction des sauts ;

–  le centrage ;

–  la mise en tension.

Il faut vérifier ces quatre facteurs en cours de route et agir sur celui qui est le plus problématique. Tout au long de ce processus, il est possible de voir ou de ressentir les irrégularités. Lorsque la roue est presque complètement alignée, il est possible d’entendre le frottement des guides du banc d’alignement sur la jante. Certains bancs de haut de gamme ont des jauges indicatrices, mais ce n’est pas nécessaire. Pour éviter de tourner en rond, essayez de faire chacun des ajustements en affectant le moins possible les autres. Voici comment.

Le dévoilage (correction du déport latéral de la jante)

Faites tourner la roue dans le support et trouvez le point qui s’écarte le plus de la trajectoire de la plus grande partie de la jante. Si, par exemple, cette portion est trop à gauche, resserrez les écrous des rayons de droite et desserrez ceux des rayons de gauche, de façon à tasser la jante vers la droite. Si vous resserrez les écrous de droite et desserrez ceux de gauche de façon identique, vous pouvez déplacer la jante vers la droite sans (trop) affecter la rondeur de la roue.

Si par exemple, la jante courbe vers la gauche et que le centre de ce voile est entre deux rayons, vous pouvez resserrer le rayon de droite de 1/4 tour et celui de gauche de 1/4 tour. De même, si le centre du voile est vis-à-vis un rayon de droite, vous pouvez resserrer ce rayon de 1/4 tour et desserrer les deux rayons de gauche adjacents de 1/8 tour.

Corrigez le pire voilement à gauche, puis le pire voilement à droite... sans essayer de corriger à la perfection chacun des problèmes. Vous dévoilerez ainsi graduellement la roue.

La correction des sauts (correction du déport de haut en bas de la jante)

Trouvez l’endroit le plus haut sur la jante et travaillez de la même façon. Si le centre de ce point haut est situé entre deux rayons, resserrez chacun d’eux de 1/2 tour. S’il est situé vis-à-vis un rayon, resserrez celui-ci de 1 tour et les deux rayons avoisinants de 1/2 tour. Il faut visser plus longtemps pour corriger un saut qu’un voile.

Généralement, la correction des sauts s’effectue uniquement en tendant les rayons, ce qui permet d’augmenter graduellement la tension de la roue.

Le centrage

Lorsque la roue est dévoilée à quelques millimètres près, il est temps de vérifier son centrage. Placez le plongeur ajustable de la jauge de centrage sur l’essieu et ajustez-le de façon à ce que les deux extrémités de la jauge s’appuient sur la jante et que le plongeur s’appuie sur l’écrou extérieur de l’essieu. Tournez ensuite la jauge et faites la même vérification sans ajuster le plongeur.
Si la jauge oscille autour du plongeur, les rayons de ce côté doivent être tendus pour recentrer la roue.
Si au contraire le plongeur ne touche pas à l’écrou, ce sont les rayons de l’autre côté qui doivent être tendus.

Si la roue est décentrée de plus de 2 ou 3 mm, vissez tous les rayons du côté où il faut tirer la jante de 1/2 tour (ou plus, au besoin).

Si par contre, le centrage est précis à 1 ou 2 mm près, reprenez l’ajustement latéral, mais en « tirant » la jante du bon côté. Ainsi, s’il faut déplacer la jante vers la droite pour mieux la centrer, trouvez l’endroit où elle est la plus voilée vers la gauche, corrigez-le, puis encore l’endroit où elle est la plus voilée vers la gauche... Vérifiez également l’alignement vertical ; si les sauts sont pires que les voiles, corrigez alors l’alignement vertical.

La surface d’une jante machinée peut être irrégulière à l’endroit où elle est assemblée, soit généralement à l’opposé du trou de valve. Si la jante est soudée, un meulage excessif du cordon de soudure peut avoir laissé une légère dépression. Et si elle est assemblée avec un tenon, les deux extrémités peuvent ne pas s’aligner parfaitement. Vous devrez peut-être tolérer un certain saut à cet endroit, ou l’aligner à l’œil sur le dessous de la jante.

La mise en tension

Vous devez tenir compte de la tension du côté cassette de la roue. Vous pouvez la vérifier de trois manières :

–  Selon la difficulté à tourner la clé à rayons. Vous approchez de la tension maximale lorsque vous avez peur d’arrondir les écrous au lieu de les serrer. Jusqu’aux années 1980, c’était là la tension maximale possible pour éviter de briser les filets des écrous. De nos jours, les filets des rayons et des écrous sont de machinés avec une meilleure précision de sorte qu’il est maintenant possible de trop tendre les rayons et de causer un bris de la jante.

–  Selon la note produite par les rayons. On peut pincer les rayons comme des cordes de guitare et évaluer la tension à l’oreille. Même sans piano, on peut comparer la note produite avec celle d’une bonne roue et ainsi avoir une idée de la tension. D’ailleurs, avant d’utiliser un tensiomètre, j’utilisais une cassette sur laquelle j’avais enregistré le fa dièse au piano, ce qui correspond approximativement à la note produite par un rayon en acier inoxydable de longueur moyenne. (Pour plus de détails sur cette méthode, voir l’article de John Allen : Check Spoke Tension by Ear.)

–  Avec un tensiomètre. C’est évidemment la meilleure méthode. Tout atelier bien équipé devrait donc en avoir un. La tension du côté droit de la roue doit être celle prévue par les fabricants pour les rayons et la jante utilisée. Mais surtout, la tension devrait être égale. On n’a pas à s’inquiéter de la tension des rayons de gauche d’une roue arrière, en autant que celle-ci soit semblable pour tous les rayons. Car si la roue est proprement centrée, ces rayons seront plus lâches que ceux de droite. La tension d’une roue symétrique (comme une roue avant sans frein à disque) devrait être à peu près la même pour tous les rayons.

Le contrôle de la torsion des rayons

Dès que la roue commence à être en tension, il faut contrôler la torsion des rayons. En effet, lorsqu’on visse l’écrou avec la clé à rayons, le rayon cherche d’abord à tordre à cause de la friction dans les filets. Ce n’est qu’une fois le rayon tordu qu’il y aura suffisamment de résistance pour que l’écrou commence à se visser. Néanmoins, le rayon restera un peu tordu. Les rayons tordus se redresseront éventuellement... résultant en une roue voilée.

Contrairement au robot monteur de roues, l’artisan peut sentir cette torsion et la contrôler en utilisant judicieusement sa clé à rayons. Il suffit de visser un peu trop puis de dévisser légèrement. Par exemple, pour resserrer un écrou donné de 1/4 tour, serrez-le de 3/8 tour puis desserrez-le de 1/8 tour.

Le contrôle de la torsion est plus facile sur des rayons ordinaires car ils sont plus résistants à la torsion et il est plus facile de voir à l’œil nu s’ils sont tordus. J’apprécie les rayons aéro surtout pour cette raison et non à cause de leur aérodynamisme.

L’élimination des contraintes résiduelles des rayons

L’utilisation d’une manivelle pour éliminer les contraintes résiduelles

Pour éliminer les contraintes résiduelles, j’utilise une vieille manivelle de gauche que j’insère entre les rayons.

Avant d’utiliser la roue, il faut en éliminer les contraintes résiduelles. En effet, l’épaule des rayons doit épouser la forme du flasque et vice-versa. Un processus semblable se produit là où l’écrou siège dans la jante. Certains artisans éliminent ces contraintes en pliant la roue tout entière, tandis que d’autres empoignent les rayons par groupes de quatre et les serrent ensemble.

Ma technique préférée consiste à utiliser un levier (comme une vieille manivelle de gauche) pour faire fléchir les rayons à l’endroit où ils se croisent. Cette technique permet de bouger les rayons autour de leur point de croisement de façon à ce qu’ils soient tous droits. En faisant le tour de tous les rayons, vous entendrez sans doute des craquements, signe que les rayons se touchent et se déplacent. Faites le tour le tous les rayons plusieurs fois, jusqu’à ce que la roue cesse de travailler (donc d’émettre des craquements).

Après cela, vous devrez sans doute aligner légèrement la roue. Reprenez ensuite ce processus d’élimination des contraintes et d’alignement jusqu’à ce que la roue soit silencieuse et parfaitement droite.

Jobst Brandt, auteur de l’excellent livre The Bicycle Wheel  (litt.: La roue de bicyclette), souligne un autre avantage de l’élimination des contraintes résiduelles :

Après être formé à froid, l’acier rétracte toujours un peu (les rayons sont formés à froid à partir d’un fil d’acier). Ce phénomène se produit notamment parce qu’une partie des fibres a dépassé la limite d’élasticité du matériau. Certaines fibres sont donc en tension et d’autres en compression, de sorte qu’en tendant les rayons, on accroît les contraintes de tension du matériau. Or, comme plusieurs fibres ont déjà atteint leur limite d’élasticité, elles se déforment.

Lorsque les rayons sont pressés en place, ils se déforment en certains points et cet accroissement de tension fait que ces zones demeurent étirées. Or le métal qui se trouve étiré près de sa limite d’élasticité a une faible résistance à la fatigue ; il faut donc éliminer les contraintes résiduelles pour que les rayons durent plus longtemps.

On peut diminuer ces contraintes en augmentant momentanément la tension (donc les contraintes) dans les rayons, de façon à ce que les zones les plus sollicitées se déforment en permanence. Lorsqu’on enlève cette contrainte supplémentaire, les zones ainsi déformées ne peuvent reprendre leur position originale car elles ont, en quelque sorte, perdu leur « mémoire ». La contrainte moyenne du rayon diminue donc d’autant.

Après avoir suivi toutes ces étapes, vous obtiendrez une roue parfaitement ronde qui le restera beaucoup plus longtemps que la plupart des roues montées à la machine. Vous aurez en outre appris tout ce qu’il faut savoir sur l’art d’aligner une roue et vous vous sentirez un meilleur technicien professionnel.

Quelques types de rayonnage

Nous avons présenté le type le plus courant, soit le rayonnage à 36 rayons croisés trois fois. Il s’agit d’un rayonnage semi-tangentiel. Il existe toutefois plusieurs variantes de rayonnages semi-tangentiels ainsi que d’autres types de rayonnages moins courants dont voici les principaux.

Le rayonnage semi-tangentiel : quelques variantes

Les rayonnages semi-tangentiels conventionnels sont caractérisés par un certain nombre de croisements des rayons. On parlera d’un rayonnage croisé 2, 3 ou 4 fois selon le nombre de fois qu’un rayon donné en croise d’autres attachés au même flasque. La plupart des montages sont croisés trois fois. Plus le nombre de croisements est élevé, plus les rayons quittent le moyeu à un angle qui s’approche d’une tangentielle. Cela donne à la roue la résistance nécessaire pour transmettre les efforts d’un pédalage vigoureux sur petit développement ainsi que les efforts de freinage avec un frein au moyeu. À l’inverse, un plus petit nombre de croisements fait que les rayons sont presque perpendiculaires au flasque et à la jante.

Les types de rayonnage les plus courants sont :

–  le rayonnage à 32 rayons croisés trois fois, très courant de nos jours ; il suit le principe de montage vu ci-devant, si ce n’est qu’il est formé de quatre groupes de 8 rayons ;

–  le rayonnage à 24 ou 28 rayons croisés deux fois, se retrouve sur certaines roues avant de vélos de route ;

–  le rayonnage à 40 rayons croisés quatre fois, couramment utilisé pour les roues de tandems.

–  le rayonnage à 48 rayons croisés cinq fois (parfois 4), était couramment utilisé pour les roues de tandems jusqu’à il y a une vingtaine d’années.

Pour un nombre donné de rayons, on diminue généralement le nombre de croisements lorsque le moyeu est trop gros (comme un moyeu Rohloff) ou que la roue est trop petite. Ainsi une roue à moyeu Rohloff est généralement montée à 32 rayons croisés deux fois.

Le rayonnage radial (parfois appelé rayonnage direct)

Les roues radiales ont des rayons qui sortent en ligne droite du moyeu. Ce type de rayonnage peut uniquement être utilisé sur des roues avant sans frein au moyeu ni frein à disque. Elles ont un certain chic et sont parfois appropriées lorsqu’on souhaite optimiser la performance, car elles sont plus légères et elles offrent un léger avantage aérodynamique – en théorie du moins.

Les roues radiales ont toutefois deux inconvénients. Comme les écrous sont directement dans l’axe des trous de rayons de la jante, ils peuvent se desserrer plus facilement que les écrous d’une roue à rayonnage tangentiel. Il ne faut donc pas lubrifier les écrous et on suggère même utiliser un adhésif tel que Spoke Prep (de Wheelsmith) ou un Loctite non-permanent pour les tenir en place.

En outre, comme les rayons sortent de la jante de façon radiale, ils peuvent déchirer les trous de rayons dans les flasques. Ce phénomène est plus susceptible de se poduire avec les moyeux à 36 rayons à petits flasques, car il y a peu de métal entre les trous. Si un moyeu usagé est lacé radialement, les encoches créées par les anciens rayons peuvent aider à concentrer les contraintes et à affaiblir davantage les flasques.

C’est pour cela que de nombreux fabricants de moyeux déconseillent le rayonnage radial et ne garantissent pas les moyeux qui ont été ainsi montés. Certains individus disent qu’aucune roue de vélo ne devrait être ainsi montée ; selon mon expérience, il est acceptable de lacer une roue radialement, mais uniquement avec un moyeu de bonne qualité fabriqué par forgeage.

Commentaire personnel de John Allen :
En 1980, alors que je n’étais pas au courant de ces dangers, j’ai monté pour mon tandem une roue à 40 rayons en utilisant un moyeu machiné de haut de gamme à flasques moyens. Après quelques mois d’utilisation, la roue s’est légèrement voilée sans raison valable. J’aurais peut-être dû prendre cet avertissement au sérieux. Car peu de temps après, alors que j’étais assis par terre près du tandem, j’ai regardé le moyeu et j’ai remarqué une fissure qui traversait plusieurs trous de rayons. J’avais agi bêtement et j’ai été chanceux. J’ai depuis remonté la roue avec la même jante et les mêmes rayons, mais en utilisant un moyeux à grands flasques et un rayonnage semi-tangentiel... et ça fait 30 ans que je roule avec cette roue sans problème. Bref, si vous notez qu’une roue à rayonnage radial se voile mystérieusement, arrêtez-vous immédiatement, cherchez-vous un autre moyen de transport et réparez la roue sans tarder.

Si vous souhaitez tenter votre chance avec une roue à rayonnage radial, je vous recommande d’éviter les gros rayons et les fortes tensions. Comme il y a généralement beaucoup moins de problèmes avec les roues avant que les roues arrières, il n’est pas nécessaire d’utiliser une très forte tension dans une roue avant montée avec un nombre raisonnable de rayons.

Remarque de John Allen :
Je ne recommande pas de mettre les rayons sous une tension trop faible. Utilisez plutôt des rayons minces ; vous pourrez alors leur donner une bonne tension sans que la contrainte appliquée sur le moyeu soit trop élevée.

Le folklore veut que les roues radiales roulent « dur » car de plus courts rayons s’étirent moins que les longs rayons des roues à rayonnage semi-tangentiel. En pratique, il n’en est rien !

Attention

Ce type de rayonnage peut uniquement être utilisé sur des roues avant sans frein au moyeu ni frein à disque. Il ne faut jamais monter radialement une roue motrice ni une roue munie d’un frein au moyeu ou d’un frein à disque. En effet, compte tenu de la géométrie du rayonnage, tout couple appliqué au moyeu de la roue causera une très forte augmentation de la tension des rayons et entraînera le bris du moyeu ou des rayons.

Commentaire de John Allen :
J’ai vu une telle roue. Je ne dirai pas qui l’a monté... et non, ce n’est pas Sheldon Brown. Un jour, je vérifiais le vélo avec un ami. Il appliqua le frein avant et appuya fortement sur une pédale avec son pied. Nous avons pu observé que les rayons de la roue arrière ont changé d’angle de façon significative, émettant un son semblable à celui d’une corde de guitare électrique quand le musicien tire sur la barre de trémolo.

Le rayonnage semi-radial

On voit de plus en plus de roues arrière montées avec un rayonnage semi-tangentiel du côté droit et un rayonnage radial du côté gauche. Si les roues radiales avant ont surtout un avantage esthétique, les roues arrière demi-radiales peuvent durer beaucoup plus longtemps que les roues conventionnelles, surtout lorsqu’elles ont un fort parapluie. La forte asymétrie des roues modernes rendue nécessaire par le désir d’installer un nombre toujours plus grand de pignons cause une augmentation du nombre de bris de rayons arrière gauche. Ces bris sont causés par la fatigue du métal. Tout comme vous pouvez briser un trombone ou un cintre en le pliant et en le dépliant quelques fois, vous pouvez casser des rayons en les pliant quelques millions de fois, même si vous le les pliez pas assez pour les déformer (comme une roue de vélo fait un tour en 2,2 m, elle fait près de 450 tours au kilomètre et 1000 000 de tours en environ 2000 km).

Une roue tient parce que tous les rayons sont constamment tendus. Or, dans certains cas, l’effet parapluie est si prononcé que les rayons de gauche sont très peu tendus et se relâchent complètement lorsqu’on pédale. Ajoutez à cela la variation de tension due au cycle de transfert de poids sur la roue et il se peut fort bien que les rayons de gauche – surtout les rayons de tête de gauche – se retrouvent complètement lâches. Or ces cycles de tension et de relâchement causent de la fatigue à l’épaule des rayons ; éventuellement, ils finissent par casser à cet endroit.

En montant la roue de façon semi-radiale, on peut d’abord réduire très légèrement l’asymétrie en plaçant les rayons de gauche à l’intérieur du flasque (la tête à l’extérieur). De plus, comme il n’y a pas de rayon de tête à gauche, le couple appliqué sur le moyeu en pédalant ne réduira pas la tension dans aucun des rayons de gauche. En fait, si vous avez une ancienne roue dont les rayons de gauche cassaient, relacez-la de façon semi-radiale et vous aurez réglé le problème une fois pour toutes.

Remarque de John Allen :
Le baril mince d’un moyeu de vélo conventionnel n’est pas conçu pour résister au couple du pédalage ni à celui d’un frein à tambour ou d’un frein à disque. Un moyeu réversible de même qu’un moyeu sur lequel est monté un frein à tambour ou un frein à disque doit résister au couple des deux côtés. Il ne faut donc jamais lacer une telle roue avec un rayonnage semi-radial, sauf si le moyeu est un moyeu monopièce de très grand diamètre (N.D.T. comme un moyeu de mobylette ou de motocyclette).

La roue d’une Ford modèle A

Je croyais que le rayonnage semi-radial était à l’avant-garde... jusqu’à ce que j’aperçoive quelques voitures Ford Modèle A dans un défilé. Leurs roues – fortement en parapluie vers l’intérieur – étaient montées de façon semi-radiale, précisément pour cette raison.

Commentaires de John Allen :
Néanmoins, je ne crois pas que c’est pour cette raison que les roues de la Ford étaient ainsi lacées. Les rayons extérieurs de la roue étaient attachés sur le moyeu beaucoup plus près du centre que les rayons intérieurs ; ils n’auraient donc pu transmettre de couple aussi efficacement que les autres s’ils avaient été montés de façon semi-tangentielle.

De plus, comme tous les véhicules à quatre roues, les roues de la Ford sont soumises à de fortes contraintes latérales lorsqu’on tourne. Les roues situées à l’extérieur du virage portent la plus grande partie du poids du véhicule et les contraintes latérales augmentent la tension des rayons extérieurs situées près du sol au moment où les contraintes reliées au poids la diminuent. Le grand angle des rayons extérieurs aide à équilibrer cette variation de la tension tandis que le faible angle des rayons intérieurs fait qu’ils servent essentiellement à transmettre le couple. Pour ces mêmes raisons, cette roue avait deux fois plus de rayons intérieurs que de rayons extérieurs.

Les ingénieurs de Ford ont dû considérer tous ces facteurs en concevant cette roue. S’agit-il d’une technologie de dernier cri ? Non, car le Modèle A fut lancé en 1927, 51 ans après l’invention de la roue semi-tangentielle par James Starley. Ils avaient donc eu tout le temps d’y penser et d’expérimenter !

On pourrait peut-être utiliser la même stratégie que Ford et lacer une roue arrière de vélo en utilisant deux fois plus de rayons à droite qu’à gauche. On pourrait avoir 24 rayons à droite et 12 à gauche. Il ne resterait qu’à faire fabriquer un moyeu et une jante sur mesure !

Le rayonnage semi-radial... monté à l’envers

On voit parfois des roues semi-radiales dont les rayons radiaux sont du côté droit. Cela est généralement fait pour améliorer le dégagement du dérailleur, notamment avec des roues montées ave des rayons très gros et des moyeux à flasques particuliers. Pour que ce montage tienne, il faut que la roue soit montée avec un moyeu de grand diamètre avec un corps fait d’une seule pièce, afin que ce moyeu ait une grande rigidité et une grande résistance à la torsion, car le couple de pédalage doit être transmis par le corps du moyeu jusqu’aux rayons de gauche.

Les rayonnages ésotériques

Nous venons de vous présenter les types de rayonnages pratiques. Il existe quelques rayonnages ésotériques comme celui du pied-de-corbeau. Nous vous invitons à visiter ce site.

Et si vous voulez un rayonnage fantaisiste, allez voir le rayonnage de mes roues POWerwheels, de même que les rayons SYMMETRISPOKE et les écrous qui y sont associés.

Les équipements improvisés

SECTION ÉCRITE par John Allen

On peut se faire un banc d’alignement fort acceptable en plaçant une ancienne fourche dans un étau. Toutefois, une telle fourche ne peut servir que pour une seule largeur de moyeu et uniquement pour quelques grandeurs de roues. Vous pouvez utiliser cette technique pour monter des roues arrière en écartant les fourches.

Vous pouvez même utiliser le vélo comme banc de travail pour aligner la roue. La façon la plus facile de centrer le moyeu consiste à déposer le vélo – et la roue – au sol ; elle se placera automatiquement bien au fond des pattes. Sinon, assurez-vous que l’essieu du moyeu est bien appuyé au fond des pattes de la fourche ou du triangle arrière.

Après cela, pour aligner la roue arrière, enlevez la chaîne ou mettez-la sur le petit pignon pour qu’elle ne vous dérange pas. Suspendez ensuite le vélo à un crochet ou avec une corde ou placez-le sur un pied de réparation, afin que la roue à aligner ne touche pas le sol et que le haut de celle-ci soit à la hauteur des yeux. Bien que ce montage ne soit pas aussi pratique qu’un équipement professionnel, on peut obtenir des résultats tout aussi intéressants.

L’alignement d’une roue sur un vélo

Voici comment faire pour aligner une roue directement sur le vélo.

–  Vous pouvez utiliser les patins de freins sur jante comme guide latéral. Vous pouvez au besoin augmenter ou réduire l’écartement des patins, puis regardez à quels endroits les patins frottent sur la jante. Lorsque la roue est presque entièrement dévoilée, placez-vous devant la roue et observez l’espacement entre les patins et la jante.

–  Placez une petite règle (ou un vieux rayon) derrière la fourche ou devant les haubans et attachez-la avec un élastique tel qu’illustré ci-contre. Croisez l’élastique entre les deux haubans pour éviter qu’il frotte sur la roue. Le frottement de la règle sur la jante vous indiquera les sauts à corriger. Au besoin, inclinez la règle légèrement d’un côté puis de l’autre et faites la moyenne des lectures.

–  Pour centrer la roue, retournez-la tout simplement (placez la cassette à gauche). Si la jante glisse tout aussi bien entre les patins de freins et qu’elle passe au même endroit entre les bases, c’est que la jante est bien centrée. Vous pouvez aussi vérifier le centrage de la roue en la déposant sur deux piles de blocs ou de livres diamétralement opposées. Mesurez la distance entre la table et l’écrou du moyeu, puis retournez la roue et mesurez de nouveau. Les deux mesures devraient être identiques.

 

Une jauge de centrage

Définitions

Voici quelques définitions utilisées au cours de cet article. Certains de ces termes ne sont pas normalisés.

Jauge de centrage

Cette jauge ressemble à une arbalète au centre de laquelle se retrouve un plongeur (là où serait placée la flèche d’une arbalète). (anglais : Dish Stick)

Rayons de queue (parfois appelés rayons tracteurs)

Pour la roue arrière, ces rayons sont plus tendus lorsque le cycliste appuie sur ses pédales. Ils partent du moyeu et pointent vers l’arrière par rapport au sens de rotation de la roue (direction anti-horaire lorsqu’on regarde du côté droit de la roue).
Ces rayons sont identifiés et illustrés en rouge (côté droit) et en jaune or (côté gauche).

Le terme a été choisi parce que la tête de ces rayons traîne derrière le moyeu, un peu comme jadis le fourgon de queue d’un train.

Certains auteurs parlent de rayons tracteurs parce qu’ils tirent sur la jante lorsqu’on pédale. C’est vrai, mais pour tous les rayons du vélo...

(anglais : Trailing Spokes)

Rayons de tête (parfois appelés rayons pousseurs)

Pour la roue arrière, ces rayons sont plus lâches lorsque le cycliste appuie sur ses pédales. Ils partent du moyeu et pointent vers l’avant, donc dans le sens de rotation de la roue (direction horaire lorsqu’on regarde du côté droit de la roue).
Ces rayons sont identifiés et illustrés en bleu foncé (côté droit) et en bleu pâle (côté gauche).

Le terme a été choisi parce que la tête de ces rayons précède le moyeu, et est donc en quelque sorte à la tête d’une marche ou d’un défilé.

Certains auteurs parlent de rayons pousseurs. Toutefois, des rayons ne peuvent jamais pousser, et lorsque la roue est bien montée, ces rayons sont simplement moins tendus que les rayons de queue lorsque le cycliste appuie sur ses pédales. D’ailleurs, s’ils étaient en compression, ces rayons ne pousseraient pas la jante mais ploieraient plutôt sous l’effort comme une simple règle de plastique. Bref, comme les rayons sont tous tendus, on ne peut donc pas véritablement parler de rayons pousseurs. Après tout, avez-vous déjà essayé de pousser sur la laisse d’un chien ? (anglais : Leading Spokes)

Rayon maître

Le premier rayon que l’on installe lorsqu’on monte une roue. Sa position détermine celle de tous les autres rayons. (anglais : Key Spoke)

 

Banc d’alignement

Le banc d’alignement

Il s’agit d’un support sur lequel on place la roue pour la dévoiler, c’est-à-dire pour qu’elle tourne bien rond sans zigzaguer de droite à gauche. Certains supports ressemblent à une fourche inversée, sur lesquels on retrouve des guides pour identifier facilement les sections de la roue qui dépassent latéralement ou vers le haut. (anglais : Truing Stand)

 

 

Lectures complémentaires

–  Le livre The Bicycle Wheel  (litt.: La roue de bicyclette) de Jobst Brandt (1981, Avocet, Palo Alto, California ISBN 0-9607236-6-8.) est un excellent livre qui couvre de façon théorique la physique des roues à rayons. Ce livre, une référence dans le domaine, est disponible auprès de la plupart des bons vélocistes.

–  Écrit par John Forester, l’article Held Up by Downward Pull explique la physique d’une roue à la lumière d’expériences très intéressantes qu’il a menées. En résumé, il détruit le mythe que les roues sont suspendues par les rayons du haut.

–  L’utilisation du diapason pour vérifier la tension des rayons est expliquée par John Allen dans cet article sur le tensionnement des rayons. John a aussi écrit cet article pour décrire une expérience qu’il a réalisée afin de comparer les mesures prises au tensiomètre avec la tonalité émise par les rayons.

–  Vous voulez monter une roue avec un nombre de trous différents sur la jante et le moyeu ? Consultez l’article Perverse Wheel Building de Benjamin Lewis.

–  On trouve une série de tableaux pour déterminer la longueur des rayons dans la 6e édition du livre de Howard Sutherland, Sutherland’s Handbook for Bicycle Mechanics, publié par Sutherland Publications, Box 9061, Berkeley, California 94709. ISBN 0-914578-06-5
Remarque. La 6e édition est la dernière dans laquelle on retrouve ces tableaux. Ils ne sont pas publiés dans la 7e édition. La version papier de la 6e édition est épuisée, mais on peut encore se la procurer sur cédérom.

Cet article n’est pas le seul qui traite du montage de roues. J’attire donc votre attention sur :

–  Le montage des roues selon Raleigh (date des années 1960)

–  L’article de Robin Tivy sur le rayonnage

–  Le montage d’une roue de bicyclette sur le site de Jocelyn Ouellet (technicien en vélo de Québec)

–  Cet article de Rowland Cook, intitulé Wheel building, dans lequel on explique comment monter quelques types de roues ésotériques.

Sheldon Brown

D’autres articles techniques de Sheldon Brown se retrouvent ici, tandis que le glossaire en anglais se retrouve ici.

Où se procurer les outils et le matériel ?

Vous devriez pouvoir trouver les outils et le matériel nécessaires chez le vélociste de votre voisinage.

Crédits

Le texte original fut écrit en 1998 puis révisé en 2008 par Sheldon Brown avec la collaboration de John Allen, Daniel Boals, Jobst Brandt et John Forester. Il fut révisé de nouveau par John Allen en 2010.

Au sujet des illustrations

Les illustrations de cet article circulent depuis longtemps. Je les ai créées au début des années 1980 sur un ordinateur PDP-11 modifié de Digital, avec le logiciel dédié Management Graphics (site archivé), qui produisait des diapositives Kodachrome. Bien des années plus tard, ces diapositives ont été numérisées sur au format PhotoCD puis modifiés sur Macintosh avec Photoshop d’Adobe.

© 1998, 2010  —   Sheldon Brown
Traduction française : ©2004, 2010. Michel Gagnon
Mise à jour : 2010-08-17

 


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